samedi 27 février 2010

mercredi 24 février 2010

Shutter Island (Martin Scorsese, 2010)


A ce jour, il n'existe techniquement qu'une chose plus vaine, tortueuse et irrationnelle qu'une matinée à la Préfecture de Saine-Saint-Denis, c'est de passer 10 minutes au téléphone avec mon grand-père maternel. Sourd au dernier degré, interprétant de la manière la plus alambiquée et invraisemblable la moindre phrase, il multiplie également d'outranciers stratagèmes qui ont pour unique but d'écourter chaque conversation au maximum, ceci afin -dit-il- d'éviter qu'on lui mette sur le dos le moindre dépassement de forfait dû à son relatif éloignement géographique.

Au fur et à mesure que le temps passe, l'exercice relève de plus en plus de l'épreuve de force, mais il faut reconnaître que ce type totalement irresponsable à qui mes parents m'ont confié durant la majeure partie d'une enfance erratique et qui m'a appris, bien malgré lui, les joies sans limites de l'incorrection et du tabac brun, s'avère souvent plus drôle que pénible. Bref, c'est un peu comme aller voir le dernier Scorsese : on sait que, techniquement, le meilleur est loin derrière, mais qu'entre les aberrations et les fous-rires involontaires, on peut encore entrevoir de fugaces éclairs de lucidité.

Il en va effectivement ainsi de tous ses films sortis après l'impérial Casino, et Shutter Island ne déroge pas à la règle, même si il se hisse sans trop de mal parmi les plus présentables de cette période maudite et sans retour. Parce qu'il faut bien le reconnaître, même si il a perdu tout sens du rythme et qu'il enquille ici plus de plans fixes qu'un Manoel De Oliveira assommé au Benzorex, Scorsese a su donner un minimum de race et de ressort à ces 2h17 pour leur éviter une entrée immédiate au registre des recherches académiques en perte de temps.

Mais, au delà de sa mise en scène usée, de ses écrasantes longueurs et de son grotesque duo de bad guys (Ben Kingsley et Max Von Sydow, par-delà les limites de la parodie), ce sont surtout les 10 dernières minutes de Shutter Island qui lui ôtent tout son potentiel venin. En jouant la carte de la conclusion aussi limpide qu'outrancière, l'histoire de Lehane (dont le roman est ici adapté avec une fidélité aveugle) perd toute la subversion que laissait espérer son vertigineux twist, porte ouverte vers un magistral exemple de ce que la manipulation et le pouvoir de suggestion peuvent avoir de plus cruels et implacables lorsqu'ils sont appliqués à la fiction. Impossible malheureusement d'en dire plus sans totalement spoiler, si ce n'est qu'un peu d'ombre et de confusion auraient facilement sauvé les 120 premières minutes du film, définitivement anéanties par un final explicite à en crever.
  • Pour Si Scorsese vieillit, on ne peut décemment pas en dire autant de Robert Richardson : la photographie est superbe.
  • Contre Avec ses kilos en trop et sa coupe de cheveux 50's, Leonardo Di Caprio ressemble atrocement à Clovis Cornillac.

lundi 22 février 2010

A Reference Of Female-Fronted Punk Rock - 1977-89


Il y a de grandes chances que vous n'ayez jamais entendu parler de la compilation A Reference Of Female-Fronted Punk Rock - 1977-89, et pour cause, ce fort peu esthétique coffret de 12 (douze !) cd-r n'a été édité qu'à 36 exemplaires par un certain Vince B. de San Francisco, qui l'a gracieusement offert à ses amis et à quelques-uns des groupes figurant sur cette impressionnante anthologie de groupes punks féminins. Un peu plus de 300 morceaux, des classiques (X-Ray Spex, Slits, Liliput, Au Pairs, Avengers, Delta 5, Lucrate Milk) aux plus obscurs (Blutsturz, Pyhäkoulou, Mizutama Shouboudan, Anouschka & Les Privés), désormais disponibles ici.

mercredi 10 février 2010

mardi 9 février 2010

Concentré maximal d'essence de vie

Toute ta vie durant, souviens-toi bien que, quoi que tu fasses, tu ne seras jamais aussi cool que ce putain de dessin.

lundi 8 février 2010

Drowning By Numbers (Peter Greenaway, 1988)

Tous ces événements étranges reliées à Peter Greenaway ont commencé quand j'avais dix ans, peut être onze. Il y a d'abord eu cette obsession pour Meurtre Dans Un Jardin Anglais (The Draughtsman's Contract, 1982) à cause d'un article paru au moment de sa sortie vidéo, au milieu des années 80. L'intrigue avait l'air tellement compliquée et astucieuse que, pendant des mois je n'ai eu cesse d'en relire le résumé au dos de la VHS qui trônait dans le vidéo-club de mon quartier, qui -comme tous les vidéos-club dans les années 80- empestait le tabac froid et était tenu par une matronne aussi vulgaire que véhémente (et, qui plus est dans ce cas très précis, unijambiste).

Cette jaquette a longtemps été tout ce que j'ai pu voir de Meurtre Dans Un Jardin Anglais mais l'obsession est restée, maintenue en éveil jusqu'à la fin des 80's au travers des bandes-annonces du Ventre De L'Architecte (The Belly Of An Architect, 1987), de Drowning By Numbers (1988) et Le Cuisinier, Le Voleur, Sa Femme Et Son Amant (The Cook, The Thief, His Wife & Her Lover, 1989) qui me donnaient tous l'impression curieuse et fascinante de films à la fois tristes et malsains. J'ai vu tous ces films bien des années plus tard, et, même si je les ai évidemment adorés, aucun d'entre eux ne s'est avéré totalement fidèle à l'image fantasmée que j'en avais eu pendant des années, exception faite de Drowning By Numbers.


Les événements ont continué durant les années 90. Pendant un de ces après-midi de désoeuvrement comme on en connaît quotidiennement lorsqu'on étudie des matières aussi futiles que l'écriture de scénario ou la phonétique de l'Anglais courant, je m'étais retrouvé devant le cinéma d'art et d'essai situé à deux pas de chez moi, à attendre le début d'une séance qui n'intéressait de toute évidence personne. Dans l'aveuglante lumière d'avril, j'ai vu arriver trois filles à l'élégance outrancière et aux chaussures rouges se diriger droit vers l'ouvreur et lui demander si la projection des courts-métrages de Peter Greenaway avait commencé. Il leur répondit que non avant d'ajouter qu'elles avaient tout leur temps vu que cette séance n'était prévue que pour la semaine suivante. Elles restèrent devant le cinéma un instant, à se balancer d'un pied à l'autre en s'échangeant des regards d'incompréhension amusée avant de disparaître dans un dernier battement de cils plein de mystères et de vice.

Je suis donc revenu la semaine suivante, moins pour voir ces courts-métrages de Greenaway dont je n'avais à priori rien à foutre, que pour relever l'identité précise de ces trois filles aux goûts sûrs et aux formes pleines. Pour faire court, des trois filles une seule est venue, et moins d'une semaine plus tard, j'inspectais sa bibliothèque pendant qu'elle prenait sa douche. Elle étudiait l'architecture, avait 5 ans de plus que moi et allait à la piscine tous les jours entre 13h et 14h. On a couché ensemble pendant 3 semaines et fait de vagues projets pendant 8 jours avant de se prendre la tête pendant 1 mois, après quoi on est retourné à nos vies respectives.


Evidemment, si vous avez vu Drowning By Numbers, vous comprendrez la singularité de l'aventure et les troublantes coïncidences qu'elle souligne. Drowning By Numbers raconte en effet l'histoire de trois femmes (dont une championne de natation) qui tuent leurs compagnons respectifs en les noyant, le tout encadré par une série de jeux aussi absurdes que complexes inventés par le jeune fils du médecin légiste chargé de l'inspection des corps des trois défunts, et s'inscrivant dans un décompte de 1 à 100 introduit par une comptine au début du film et présent tout au long de l'histoire de façon aussi complexe qu'astucieuse (forcément). Vous n'avez rien compris ? C'est normal. Les films de Greenaway sont inracontables, et celui-ci l'est encore moins que les autres. Ce qui explique sans doute pourquoi, après toutes ces années d'événements étranges et d'incompréhensibles obsessions , il reste mon préféré.

D'ailleurs, maintenant que j'y pense, ça fait bien deux ans que Cléo n'arrête pas de me bassiner pour qu'on aille à la piscine. Pour un peu, je commencerais presque à trouver tout cela terriblement inquiétant.

mercredi 3 février 2010

lundi 1 février 2010

Bloody Bird (Michele Soavi, 1987)

Grandir en Haute-Saône durant les années 80, ça avait principalement un avantage et un inconvénient. L'inconvénient, c'est qu'il fallait faire plus de 120km si tu voulais voir à quoi ressemblait un escalator. L'avantage, c'est que tu apprenais le sens du mot "consanguin" avant tout le monde.

La petite ville de 4500 habitants dans laquelle j'ai passé la majeure partie de mes 16 premières années ne dérogeait pas à la règle : on n'y trouvait pas le moindre escalier roulant, en revanche, elle promettait chaque jour de riches rencontres au détour de ses rues tortueuses et moussues.

Outre le moniteur d'auto-école spécialiste des sciences occultes, la vendeuse unijambiste du vidéo-club et les deux fils du gérant de la casse locale, qui arpentaient la ville sur d'antiques bicyclettes, vêtus de larges gabardines et armés de carabines à plomb, on pouvait ainsi y croiser la pouacre silhouette du propriétaire du cinéma de la grand' place, personnage rude de moeurs à l'hygiène discutable et l'embonpoint évident, dont les choix de programmation (horreur, pornos mous et blockbusters) et la politique d'admission (malgré les interdictions aux moins de 13 ou 18 ans, à peu près tout le monde rentrait) ont rendu de ma pré-adolescence plus supportable.

Et de tous les films que j'ai pu voir dans la salle de cette sinistre ordure, Bloody Bird de Michele Soavi reste probablement mon plus indélibile souvenir. Giallo fin de race où les solos de saxo et les stabs de DX-7 ont remplacé les divas tristes et hululantes de Morricone et Nicolai, où les meurtres perdent en style mais gagnent en brutalité, où les femmes sont faibles et vulgaires là où jadis elles étaient cruelles et lascives, Bloody Bird (également connu outre-Atlantique sous le nom de Deliria, Aquarius ou encore Stage Fright) se fera néanmoins une place de choix dans le grand livre de la Tripe grâce à son terrifiant tueur à masque de hibou, à un infernal enchaînement de saignées hardcore (mention spéciale à l'attaque à la tronçonneuse total cartoon) et à d'éprouvants moments de tension pure sur lesquels le temps n'a de toute évidence aucune emprise (la scène de l'attente dans la voiture sous l'averse, ou celle, incroyable, dans les douches).
  • Pour :

  • Contre : 

Disponible chez Neo Publishing.