lundi 22 avril 2013

Orval Carlos Sibelius - Super Forma (Clapping Music)


Texte écrit pour la bio du nouvel album d'Oscar Carlos Sibelius, dont la sortie est prévue le 22 mai sur Clapping Music.

Il existe des morceaux pour les jours où vous vous réveillez torse nu et sans chaussures aux abords d’une zone industrielle et où, après 4h de galère sous la pluie, vous retrouvez le chemin de votre appartement. Des morceaux qui vous ouvrent la porte avec un sourire aimant, vous tendent une couverture qui sent bon la poudre de cade et le chocolat chaud et vous propulsent instantanément sur la 4 fois 4 voies du bonheur inaltérable. Pas beaucoup, certes, mais il y en a. Il existe également des morceaux que vous avez découvert un beau matin d'avril et qui depuis restent invariablement associés au retour du printemps, à la lumière qui danse derrière les rideaux et à ces jours où on a presque envie de voir ce qu'il se passe avant midi. Pas beaucoup non plus, mais, là aussi, il y en a.

Et puis il existe des titres capables de faire tout ça en même temps, en à peine plus de 5 minutes et sans même l'amorce d'un effort. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas certain qu’il en existe plus de trois, mais j'en connais au moins un. Il s'intitule "Good Remake", il figure sur le troisième album d'Orval Carlos Sibelius (ex-chanteur/guitariste de Centenaire) et a été placé, luxe suprême, à la toute fin du disque, afin que seuls soient récompensés les valeureux et les justes. Vous n'aurez toutefois pas besoin de patience ni de courage pour venir à bout de Super Forma. Un matériel en état de marche, même approximatif, devrait suffire. Parce que même si l'objet à été ouvragé avec un soin propre aux plus cinglants coups de maîtres (pendant deux ans, en studio et sur bandes analogiques), une exubérance de disque maudit (l'ingénieur du son a jeté l'éponge au bord du nervous breakdown, laissant le soin à Stéphane Laporte - Centenaire, Egyptology- de finir le mixage, et Orval lui-même, à bout de patience, a fini par sortir son 2ème album -Recovery Tapes, enregistré en solo- dans l'intervalle) et qu'il contient une paire de moments totalement autres, où la raison a définitivement été écartée (le psychotronique "Cafuron" et ses trompettes fuzz sonnant le pinacle de la journée la plus pourrie de l'Univers sous fond d'arpèges horrifiques), il doit sa dimension épique, toute en polychromies hurlantes et vapeurs occultes, avant tout à ses chansons, puisque au final, c'est bien de cela qu'il s'agit et de pas grand chose d'autre.
Des chansons pour les jours où vous vous réveillez torse nu et sans chaussures aux abords d’une zone industrielle, bien sûr, mais aussi et surtout des chansons où le feu et la grâce tombent dru comme grêle et sans la moindre indulgence 46 minutes durant, dissolvant dans une spectaculaire averse mercurielle Byrds et Robert Wyatt ("Spinning Round"), Morricone et les Ventures ("Desintegraçao", "Asteroids"), psychédélisme italien et vents californiens ("Super Data"). La manière est radicale, le résultat écrasant. Et à la fin, alors que s'envolent les dernières notes de l'immense "Good Remake" et qu'au loin, une nation d'insectes continue à chercher son âme dans la brume du continuum pop, Orval Carlos Sibelius avance tranquillement vers la lumière avec l'étincelante démarche des seigneurs, tenant entre ses mains l'enveloppe intacte d'un coeur palpitant. Pas n'importe lequel : le votre. Le voyage est à ce prix. On n'en revient pas, mais on y reste heureux. Fou, perdu, mais heureux. Après, c'est ça ou la zone industrielle, à vous de voir.


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